Ma vie en Irlande

Publié le par Anne Fakhouri

Ca fait bientôt un an que nous avons déménagé.

Dix mois exactement.

Ma première impression de l'Irlande n'en a pas été une.

J'étais ravagée, énervée, angoissée, je laissais derrière moi ma famille (restreinte, on sait à quel point je ne m'embarrasse pas avec des rituels et des histoires de sang) (ce qui m'éloigne aussi, techniquement, de toute pratique vaudou mais passons...) et mes amis.

Mes amis, ce clan épars que j'ai forgé de décennie en décennie, coupant les branches mortes, éloignant les fruits pourris des autres, pour ne garder que ceux que j'aime vraiment.

J'ai passé tout le voyage depuis le Ferry à hurler intérieurement "On a pris l'autoroute en contresens !" sans savoir qu'il me faudra des mois pour m'habituer à ce changement de conduite.

J'ai traversé des paysages qui ressemblaient à la Normandie de mes ancêtres et à la Bretagne de ceux de mon mari, mais avec la lumière propre à l'Irlande, ce soleil lointain, vibrant au-dessus des nuages, même quand il n'y en a pas (ce qui est tout de même assez fort).

Nous sommes arrivés dans une maison que mon mari avait tenté de rendre accueillante, bien qu'elle fût meublée. Mon sens acéré des lieux et de leur atmosphère ne l'a pas supporté. A peine arrivés, nous repartions acheter le nécessaire et surtout le superflu; mes cartons devaient arriver une semaine après, ils ont mis un mois.

Les premiers temps, j'ai tenté de faire bonne figure auprès des enfants et de travailler - j'étais en pleine correction d'American Fays et de Piégés. Sans jouets, les filles ont traîné dans cette maison à moitié chaleureuse et dans le jardinet où nous avions planté quelques fleurs.

Ennui profond, chagrin latent, passons.

Les mois qui ont suivi ont été consacrés à l'adaptation des enfants et à la décoration de la maison car je ne me sens bien que quand les miens vont bien et que les coussins sont assortis à la théière.

Quand j'étais enfant, durant mes courtes périodes d'angoisse, je dessinais des terriers de lapins pour me rassurer: du salon au garde-manger, avec un passage secret pour s'enfuir. Il n'y manquait rien, même pas les petites cuillères.

J'ai gardé ce besoin de cosy. Associé à l'éducation précieuse que j'ai reçue ("on peut survivre à tout entouré d'un minimum de beauté - et en écoutant Mozart), ce besoin m'a fait passer des heures à chercher, adapter, créer des éléments de décoration dont je ne me croyais pas capable.

(Mes chères soeurs, toutes deux déco et peintre, m'ayant vite surnommée "la femme-pince" durant mon adolescence. C'est vous dire si je suis dégourdie !)

Les filles ont fini par aimer leurs écoles irlandaises, l'uniforme pour l'une, la flexibilité pour l'autre.

Et l'hiver est arrivé.

"A nice winter" m'a dit un jour mon voisin.

(Les Irlandais, comme les Anglais, trouvent tout "nice" voire "lovely". Ca fait un choc quand on a été parisienne si longtemps...)

A NICE winter?

Sans déconner?

Après plus de vingt ans dans des appartements parisiens surchauffés, à passer de l'immeuble au métro ou au café ou au bahut, je ne savais plus ce qu'était le froid.

Il s'est bien rappelé à mon souvenir.

Dans la salle de bains le matin. En s'enroulant dans DEUX draps de bain.

En écrivant dans ma semi bow window... le petit courant d'air gelé dans la face...

""Le froid tape sur les fenêtres et te revient dessus, c'est pour ça" m'a expliqué mon mari.

Dans le salon devant ma cheminée.

Dans la cuisine, en cousant des tonnes de coussins.

"Anne, je t'assure, on a ASSEZ de coussins" a gémi mon mari un jour.

On n'a jamais assez de coussins, mon amour.

J'ai passé un hiver à mourir de froid dans cette maison mal isolée et à mourir d'ennui aussi.

Après un automne à sillonner l'Irlande chaque week-end, cet hiver a été une longue traversée du pôle Nord.

Et puis, un matin, c'était de nouveau le printemps, le jardin, les fenêtres ouvertes.

On a pu sortir un peu du terrier de lapin et reprendre nos expéditions, à la plage ou dans cette campagne que j'adore.

Je me suis mise à vaguement aimer l'Irlande, sans l'avouer au début.

Et à me remettre à écrire, à tel point que les projets s'accumulent de nouveau, au quotidien.

Au bout de presque un an, donc, une évidence s'impose: raconter l'Irlande, ça va commencer à devenir urgent.

Et si vous le permettez, ce sera ici.

En vous souhaitant a NICE summer !

 

 

Poste restante: Irlande.

Poste restante: Irlande.

Publié dans Va ranger ta vie !

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